Une tragédie annoncée, nécessaire et inévitable
L'attaque d'Israël sur la bande de Gaza est une tragédie mais elle est nécessaire et inévitable aux yeux de l'Etat juif qui lutte pour sa survie
En 1989, le gouvernement chinois a réprimé les manifestations à Tien An Men en tuant des centaines de jeunes étudiants. Je me souviens très bien de ce jeune homme ensanglanté pleurant devant les caméras de télévision et gémissant "China no future". S'ensuivirent 30 années d'une croissance et d'amélioration du niveau de vie jamais connus en Chine ni nulle part ailleurs sur la planète. Il faut savoir se méfier de ses émotions, elles vont souvent à l'encontre de la raison. Ne pas tirer sur les jeunes manifestants en 1989 aurait probablement plongé la Chine dans un chaos dont on ne sait ce qu'il en serait sorti. Deng Xiao Ping a pris la bonne décision, probablement pas de gaité de cœur. Il a décidé en son âme et conscience, et a privilégié ce qu'il croyait être le mieux pour son pays. Bien malin qui peut venir contester l'intelligence et la clairvoyance de ce petit homme, pourtant si grand dans l'histoire. N'oublions pas que les vainqueurs ont toujours raison devant l'Histoire!
C'est un peu le même dilemme qui hante les nuits du gouvernement israélien. L'Etat juif est en mode survie depuis 1948. Toujours sous la menace de certains voisins Arabes et des irréductibles Palestiniens qui ne se résignent pas à la perte de leurs terres, il avait même fini par sous estimer le danger. Croyant même que le problème majeur était de protéger les colons qui grignotent les terres en Cisjordanie. Mais le Hamas vient de le rappeler à la triste réalité : ses ennemis sont toujours là, pleins de haine, et enivrés par la volonté de faire du mal aux populations juives. A leurs yeux c'est la dernière arme qui leur reste puisqu'ils sont abandonnés de tous, y compris des nations arabes. Ce qui décuple leur fureur!
Leur cause peut s'entendre, elle a même une certaine légitimité. On leur a pris leurs terres sans rien leur demander. Et depuis, personne ne s'occupe vraiment de faire comprendre et de défendre leurs aspirations. Ils en sont d'ailleurs eux-mêmes responsables pour avoir refusé des propositions de paix qui sont depuis devenues caduques. Ils sont donc comme l'animal blessé prêt à tout pour se défendre. Mais cela ne justifie ni n'excuse en rien les atrocités commises au nom de cette cause. Quoi que puissent en dire les extrémistes de gauche!
Déjà en son temps Albert Camus condamnait les actions terroristes du FLN en Algérie alors que Jean-Paul Sartre les absolvait lui, au nom d'une cause décoloniale plus forte que tout à ses yeux. Pour l'extrême gauche, la juste cause justifie les pires atrocités, même celles qui ne sont pas d'ordre humain. Albert Camus, lui, était un humaniste, un homme de cœur, qui mettait l'être humain au dessus de tout. Sartre n'était qu'un idéologue, un monstre froid prêt à excuser toutes les ignominies au nom d'une cause. On avait déjà connu cela sous la Révolution, au temps de Robespierre. Pour quel résultat? 200 ans plus tard, la France se porte t-elle mieux que ses voisins? On aurait pu s'épargner tous ces crimes. C'est en tout cas mon avis.
En Israël, l'immunité des juifs est fondée sur une sorte de dissuasion nucléaire (sans la bombe atomique) qui a pour but de faire croire aux assaillants potentiels qu'ils seront détruits sous un déluge de feu et de violences comme ils n'en ont jamais vus, s'ils s'en prennent à l'Etat juif. Depuis une vingtaine d'années, cahin-caha, ça a fonctionné. Malheureusement, cette menace n'a pas suffi à arrêter le bras armé du Hamas qui s'est cru assez fort pour s'attaquer aux populations juives sur le sol d'Israël. Une première par son ampleur jamais vue depuis la Shoah. Quelle que puisse être la cause qu'il défend, le Hamas s'est déshonoré par ses crimes abominables le samedi 7 octobre 2023. Jour qui restera comme un jour d'infamie dans l'histoire de ce pays.
La dissuasion n'ayant pas fonctionné, le gouvernement israélien se doit de corriger le tir et de restaurer chez ses ennemis cette crainte salvatrice. A défaut, le pire se réitèrera, encore et encore. On ne peut transiger ou négocier avec des assassins qui sont aveuglés par la haine. Quels que soient les sentiments du gouvernement israélien, ils ne peuvent pas ne pas répondre, et encore moins faire dans la dentelle. En Israël, les paroles sont méprisées, seules comptent les actes! La réaction israélienne doit être d'une brutalité terrible pour ôter à tout jamais le gout à ses ennemis de recommencer. Et contrairement au passé, la population israélienne est derrière ses gouvernants. Œil pour œil, dent pour dent n'a jamais été autant d'actualité; et encore c'est une litote pour décrire ce qui va se passer. Le déluge est de retour.
On ne peut évidemment pas s'en réjouir, mais ce sont les impératifs de la guerre. Comme ce fut le cas pour les Normands bombardés par les Alliés en juin 1944 ou pour les habitants de Dresde coupables d'être allemands. Le prix à payer pour l'Etat juif de restaurer la crédibilité de sa défense sera d'être mis au ban des nations avec des images terribles qui vont circuler dans les médias et sur les Réseaux Sociaux, et qui seront reprises partout dans le monde. Israël est prêt à payer ce prix car il sait bien que dans l'affrontement final, il sera seul et qu'il ne pourra compter que sur ses propres forces. Il agit donc sans trop se soucier de l'opinion mondiale. Golda Meir ne disait elle pas : " Je préfère vos critiques à vos condoléances".
Nous sommes à l'aube d'une tragédie annoncée. Mais d'une tragédie nécessaire, voire indispensable. Car comme pour Antigone, là est le destin puisque la haine a rallumé les braises de la violence et des atrocités. Qu'elle est pour l'instant inextinguible. Dans cette confrontation, cette guerre de civilisations qui se profile, il n'y a malheureusement plus le choix. Le faible sera soumis ou écrasé. Triste réalité de ce monde du 21ème siècle dont je décris les maux dans mon dernier livre. Les démocraties occidentales qui se refusent à prendre le taureau par les cornes pour faire face à ce danger, à ce péril existentiel n'ont pas encore compris à quel point elles étaient en danger de mort. Malgré les appels désespérés de quelques uns comme Eric Zemmour, nos dirigeants privilégient les secteurs secondaires, sans voir que c'est notre propre civilisation, et ses valeurs, qui sont sur le point de disparaitre. Pas de liberté pour les ennemis de la liberté. Pas d'humanité pour les ennemis de l'humanité.
Sil la tragédie israélienne pouvait au moins servir à réveiller l'Occident, à lui ouvrir les yeux, alors les 1200 morts israéliens ne seraient pas morts pour rien.